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J’en sais plus

Des périodiques du Front

L’Echo du Boqueteau, créé en 1915 sur le Front par l’Ecole du Bombardement (Escolo dou Boumbardamen) ; 322 numéros ; consultable sur le Site Gallica de la BNF

La Gazette Loubetenco (gazeto Loubetanco), créée en 1915 sur le Front par Joseph Loubet ; conservée au CIRDOC à Béziers – Consultable sur le Site occitanica.eu – Mediatica Enciclopedica occitana

Lou Boulet Rouge, créé par Léon Teissier ; une vingtaine de numéros ; conservé au CIRDOC – Consultable sur le Site occitanica.eu – Mediatica Enciclopedica occitana

Le Félibrige et les Allemands

Le Félibrige comptait des associés allemands. N’oublions pas que les poètes des langues d’Oc du XIème siècle véhiculèrent la poésie jusqu’en Germanie. Au XIXème siècle, une quarantaine d’universités allemandes enseignaient le provençal. Frédéric Mistral lui-même reçut un puissant soutien des universitaires romanistes allemands pour son attribution du Prix Nobel de Littérature. Aussi, rien d’étonnant à ce que des Allemands parlaient ou comprenaient le provençal dans les tranchées. Au moment de la guerre, on soupçonna les Allemands de vouloir encourager un courant séparatiste afin d’affaiblir la France. Avec les Autrichiens, ils furent radiés du mouvement félibrige dès 1915.

Le patriotisme de Frédéric Mistral

Dès la guerre franco-prussienne de 1870 au cours de laquelle la France perdit l’Alsace et une partie de la Lorraine, Mistral et les félibres, que l’on soupçonnait de séparatisme, prirent clairement position pour la défense de la Mère Patrie : «  Nous aimions notre Provence et son ciel embrasé – Nous la courtisons toujours, notre belle adorée – A elle nos cœurs fringants et nos caresses – Mais, France, pour toi, nous donnerons notre sang – Vive, vive la France, et qu’elle soit florissante à jamais (…) ». Nul doute que Mistral – qui est mort quelques mois avant la guerre – eut tenu la même ligne au cours de la Grande Guerre.

Après la guerre : quid du renouveau du Félibrige ?

Les jeunes félibres qui donneront leur sang en 14/18 portaient un regard critique sur l’institution du Félibrige. Ils se rangeaient derrière Pierre Devoluy, Capoulié du Félibrige de 1901 à 1909, qui n’entrevoyait le sauvetage de la langue provençale que par l’action et la prise de conscience de sa langue par le peuple. Ce courant ne fut pas suivi. Aucun des jeunes félibres survivants de la guerre ne fut élu au Consistoire, instance suprême du Félibrige.

Points de vue

Le Félibrige : www.felibrige.org

Collectif Prouvènço : www.collectifprovence.com

Philippe Martel : Le Félibrige, un incertain nationalisme linguistique, 2004 – Site mots.revues.org

La Vidéo

Le centenaire de la mort de Mistral à Maillane

 

La Pastorale sur le Front en 1914

Texte en provençal de « La Pastorale sur le Front en 1914 »  : Pastorale 1ère partie Pastorale 2ème partie 

 

Ci-après, Traduction complète de « La Pastorale sur le Front en 1914 » 

Eh ! bien, notre ahurissement ne fut pas moins grand, lorsque, en décembre 1914, nous annoncions qu’un théâtre s’organisait sur le front et que nos valeureux soldats, à la barbe du tudesque, allaient jouer la Pastorale. Ceci est encore un acte de vaillance de nos hommes du Midi et nous devons en faire une mention bien marquante. Voici donc les notes fort intéressantes qu’on a bien voulu nous communiquer.

On a beaucoup parlé du théâtre du front. Eh ! bien, je ne voudrais pas l’affirmer mais pourtant je crois bien que son créateur est un Marseillais et que la première pièce qui se soit jouée fut la Pastorale .

Au mois de novembre 1914, la 29e division cantonnait du côté de Verdun. L’attaque du 29 octobre contre Mont Faucon n’avait pas donné de résultat. Nous sentions que nous allions prendre les quartiers d’hiver. Pour donner quelques distractions aux soldats de France, un Marseillais eut l’idée de jouer la Pastorale pour Noël. Le brave général Carbillet approuva des deux mains, heureux de voir donner à ses soldats durant le temps qu’ils seraient au cantonnement, une distraction saine et agréable et il le félicita pour cette organisation prometteuse.

Le lieutenant, dirigeant de la scierie militaire, se chargea d’ajuster les planches pour la scène. Celle-ci fut montée au milieu du village de Récicourt où cantonnait l’Etat-Major de la Division.L’imprésario de cette Pastorale ne s’était jamais de sa vie occupé de théâtre…

Mais, du moment qu’il s’agissait du bien du pays et de ses enfants, les bonnes volontés naquirent comme par hasard et vite, on en a trouvé, même les officiers d’approvisionnement du quartier général. Ils ont cherché dans l’entourage tous ceux qu’ils pouvaient embaucher ; puis ils sont allés voir leurs camarades du régiment voisin qui eux aussi procurèrent des artistes et le tableau de la troupe fut vite complet.  Micourau, qui ouvrit la scène, fut «  vibrant » ; Pistachier, fut le boucher du Quartier Général ; Jiget, un cycliste de l’Etat-Major ; Bienvenu , un postier du 141; Roustide (rôtie), le cuisinier des secrétaires ; Marguerite, un artilleur ; Jourdan, le porte-drapeau du général ; Simon, un brigadier de l’escorte ; l’Aveugle, un pétardier agent de liaison ; Pimpara, le rémouleur, une estafette ; le bohémien, une ordonnance ; Chicoulet, son fils, un commis de l’intendance ; Barnabé, le boulanger ; l’Ange Gabriel, un hussard sans moustache ; Flouret, un diable bleu, guide du régiment du train ; les bergers, des bûcherons de métier venant de divers régiments et employés dans la forêt à couper le bois de chauffe des cuisines ; les machinistes qu’il ne faut pas oublier, étaient les automobiliste de la Division..

Les artistes trouvés, il fallut le décor. L’abbé Coste sous-officier, maréchal des logis de l’escorte, s’adressa à Verdun, au Patronage pour qu’on lui prête tout ce qui était nécessaire et surtout le rideau d’avant-scène.

Mais, comme il fallait aussi un décor du Midi traditionnel à la Pastorale, c’est un Toulonnais du 112e qui se chargea de le brosser.

Il y eut aussi les chœurs à étudier ; c’est le brillant M. Guillon qui se chargea de les organiser en choisissant les choristes parmi ses musiciens. La musique toute entière du 112e était de la partie, avec tous les instruments. Chaque musicien avait sa partition arrangée par le Maître et on pourrait dire : de main de maître.

C’est pour Noël que la première représentation devait se donner. Mais l’attaque du 20 décembre eut pour effet de désemparer les artistes et l’ouverture fut repoussée de quelques jours.

Il avait fallu en effet de longues heures de répétition. Les acteurs n’étaient pas tous réunis en un seul endroit mais, pour ajouter de la difficulté, aux quatre coins du terrain de la Division. Ce ne fut pas facile pour les répétitions. Il y en a qui venaient de loin et ne pouvaient rejoindre leur cantonnement que très tard dans la nuit. Tous prenaient le temps sur leur repos en faisant en sorte que leur travail n’en souffre pas.

C’est Monsieur l’abbé Castelin, un Marseillais de bonne souche, le vaillant et digne aumônier divisionnaire qui dirigea les répétitions et son concours fut mieux que précieux pour l’organisation de ce drame chrétien. Et quand il arriva de ne pas pouvoir être présent (même les aumôniers ne font pas toujours ce qu’ils veulent, n’est-ce pas ?), il était remplacé par le secrétaire du ravitaillement qui était toujours présent à la maison, et qui faisait le souffleur pour la représentation.

Enfin, le 30 décembre, tout est prêt. Ce jour-là a lieu la représentation générale et le lendemain le « Théâtre de Guerre » ouvre ses portes.

Rien de plus pittoresque que cette « première ».

D’abord, comme à la crèche originelle, il y a le bœuf et l’âne ; mais au lieu de se tenir sur la scène, ces animaux retournent à l’étable attenante d’où ils se font entendre…plus que ce qu’il aurait fallu, car ils ne vont pas toujours en mesure…

La grange est éclairée avec quelques bougies et des phares d’automobile. La musique du 112e et la chorale sont installées sur une tribune, sous le toit. Au parterre, il y a un fauteuil prêté par un voisin, pour le général, une demi-douzaine de chaises ramassées chez le propriétaire de la salle, pour les officiers supérieurs, et puis quelques bancs, mais peu parce qu’il n’y a pas la place. Et il y a cinq ou six fois plus de spectateurs debout que de personnes assises. La salle est comble, on refuse du monde !

A six heures sonnantes, heure militaire, le général fait son entrée. La Marseillaise retentit, le spectacle commence.

M.Palais, le meneur félicite le général, le remercie d’avoir autorisé la représentation si chère aux Provençaux et de l’avoir soutenue moralement et pécuniairement ; puis il présente les artistes qui sont tous camarades de Provence, heureux de faire passer à leurs frères d ‘armes un petit moment de plaisir au retour des tranchées, et pour cela ils mettront tout leur talent et surtout toute leur âme.

Les trois coups traditionnels frappés, le rideau s’ouvre.

C’est une véritable délectation pour les yeux et les oreilles : on dirait que les tous les acteurs sont des professionnels ; chacun a recherché son costume et a parfaitement réussi l’effet ; les chœurs sont magnifiques, la musique est délicieuse.

Nos braves Provençaux, ceux qui les écoutent, ouvrent grands les yeux comme des petits enfants qu’ils sont. Et quand la musique joue la fin, nombreux sont restés debout ayant trouvé trop court mais heureux de la représentation.

En fin de compte, ce fut une représentation superbement réussie, et tout à l’honneur de ces interprètes originaux. Ce n’est pas possible de parler d’un plus que d’un autre. Pistachié, Marguerite, Flouret, le rémouleur, Roustide, le bohémien. Tous superbes ! Tous bluffants !

Le succès fut spectaculaire et dépassa toutes les espérances.

Comme cela se fait en Provence, la Pastorale se jouera encore les jours suivants, trois fois dans la semaine et le dimanche ainsi que pendant les trois semaines qui suivirent.

La majeure partie de la troupe de la division aura assisté à une représentation, bien que la salle ne pouvait contenir plus de monde.

Puis arriva le moment où la Division dut changer ses hommes de place. Alors le premier théâtre de guerre disparut faisant place aux théâtres locaux. Dans chaque village on montera une scène où on fera évoluer les artistes amateurs du cantonnement. Et c’est ainsi que s’est créé d’abord à Esnes, à moins de deux kilomètres de la première ligne, « le Palace du Poilu» baptisé ainsi par le 141

Il ne faudrait pas croire que les braves gens qui avaient ensemble entrepris de faire la chasse aux « chenilles vertes » (Allemands), ceux du Midi laissaient les autres passer devant quand il s’agissait de courir sur l’ennemi. Ah ! Non ! Beaucoup d’entre eux ne joueront plus la Pastorale, ils tomberont pareillement pour la défense du drapeau.

Ah certes, il y en a qui ont fait les peureux devant les rois nègres et les chameaux de carton mais sont restés sur le champ de bataille en héros quand ils affrontaient la mitraille tueuse ; on a cité un groupe de braves Provençaux qui, avant-guerre à Saint-Antoine de Marseille, avaient représenté magnifiquement le mystère de la Chandelle, Jiget ( Joseph Graille) Roustido (cousin du précédent), le berger (Jean Mouren), le roi mage ( Jean Audry), le roi Erode ( louis Roman) : ils dorment dans les cieux du sommeil éternel.

Et ceux qui sont revenus du théâtre de Récicourt, comme celui de Saint-Antoine ou d’ailleurs, ces beaux jeunes gens qui ont fait « chanter » sur la scène notre belle langue, le plus grand nombre maintenant portent sur la poitrine l’insigne des braves. Ah les vaillants peureux !!

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